Depuis un certain nombre années, l’innovation est le saint Graal de toutes les organisations. Certaines de ces organisations voient dans l’innovation leur salut économique grâce à l’avantage compétitif qu’elle est censé donner. D’autres, la pose même comme condition de survie à court ou moyen terme. Pourtant, force est de constater que l’innovation n’est pas facile à mettre en œuvre et qu’il ne suffit pas de la décréter pour y parvenir.
On peut distinguer, de manière schématique, deux gros types d’innovations :
- les innovations de produits ou de services d’un coté
- les innovations organisationnelles ou stratégiques/sectorielle de l’autre.
Le premier grand type d’innovation est censé permettre par la mise à disposition de nouveaux produits et/ou services, l’ouverture de marchés nouveaux à même de séduire nos clients existants ou de nous ouvrir à de nouveaux clients. On pourrais prendre comme exemple bon nombre de produits créés par des marques comme Apple, Samsung… pour les produits innovants ou par Netflix, Free …pour ce qui est de nouveaux services mis à disposition de leur clients.
Le second grand type peut permettre une réinvention des façons de faire en interne pour appréhender la production des systèmes existants, on parle alors d’innovation organisationnelle ou de procédés (ex : utilisation d’imprimantes 3D pour fabriquer des pièces aéronautiques, utilisation de nouveaux types de matériaux…); ou la remise en question par un acteur externe d’un marché existant on parle d’innovation de rupture ou de disruption comme chez UBer, AirBnb…
Le Manuel d’Oslo propose lui la définition suivante : une innovation est la mise en œuvre (implementation) d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé (de production) nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques d’une entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures
Voila l’animal caractérisé ! On peut se demander alors, pourquoi il est si difficile à approcher et quand il se présente, pourquoi la rencontre ne produit elle pas toujours autant de succès que prévu ?
Pour mieux comprendre pourquoi on a tant de difficulté à innover, il me parait important de pouvoir comprendre comment fonctionne les processus conduisant à des innovations et les particularités de ces innovations.
Innovation : description et mode d’emploi
Particularité des innovations et du processus d’innovation
L’innovation caractérise à la fois un processus, celui d’innover, et le résultat de ce processus. En tant que processus, il est à la fois intégratif, contextuel et conditionné.
Intégratif car il est dépendant du passé : un processus d’innovation ayant fonctionner et reproduit à l’identique ne conduira pas forcément à une nouvelle innovation puisque la nouveauté est par essence éphémère et unique.
Il est aussi éminemment contextuel, puisque dépendant de son environnement direct. Une innovation est considérée comme telle dans à un contexte bien particulier qui correspond à un publique et une demande ou un besoin.
Enfin, il est conditionné par sa réussite, une innovation qui ne trouve pas le succès dans son environnement n’est pas considérée comme telle, on la qualifiera de ratage / échec …
En résumé, les découvertes et innovation d’aujourd’hui s’appuient en partie sur les découvertes d’hier, dépendent de leur environement et ne brillent que si elles sont des succès.
Les innovations répondent aussi à des classements divers suivant leurs effets sur l’environnement existant allant de l’amélioration incrémentale (ou fausse innovation), jusqu’à l’innovation de rupture (saint Graal de l’innovation ).
L’innovation a aussi de particulier le fait d’être destructrice (cf Shumpeter : Destruction créatrice). Son processus émergent se combine avec le fait de rendre obsolète le processus/produit/service pour lequel elle apporte une amélioration ou qu’elle remplace.
Ainsi les netflix, Uber, Airbnb sont venus bouleverser des secteurs économiques entiers, engendrant colère, peur et destruction d’emploi ou faillite de certaines société (cf Peur de l’ubérisation et si vous deveniez agiles ?).
Les facteurs favorisant l’innovation (à priori !)
L’augmentation des savoirs et des connaissances
Les gens sont de plus en plus instruits et éduqués, la connaissance est de plus en plus facile d’accès. De fait, tout ces informations, savoirs et connaissances se diffusent largement et cela créé un terrain propice à l’innovation.
Un champ des possibles toujours plus vaste
Il devrait être plus facile d’innover puisque chaque nouvelle découverte ouvre de nombreuses possibilités d’innovation futures. la croissance de l’arbre des découvertes est exponentielle.
Toujours plus de moyens consacrés à la mise en œuvre de pratiques innovantes
Les entreprises investissent massivement dans l’innovation, les budgets alloués pour l’innovation ou la mise en condition pour l’innovation sont toujours plus élevés. Lieux dédiés, formations aux méthodes et techniques reines de l’innovation, utilisation outils… Les entreprises dépensent sans compter pour favoriser l’innovation, malheureusement sans grand succès.
Des outils et des techniques éprouvées
Bon nombre de méthodes et d’outils gravitent autour du concept de l’innovation. Que cela soit des méthodes pour mieux comprendre les utilisateurs (Brainstorming, Design thinking, UX agile…) ou faire de l’innovation industrielle en utilisant des heuristiques (Scamper, TRIZ…).
En résumé, étant donné que l’on maitrise de mieux en mieux les processus d’innovations, qu’à priori le terreau de l’innovation est plus vaste que jamais, on peut se demander ce qui coince ?
Et si « l’organisation » étaient un des principaux handicap à l’innovation ?
Note : Je vais ici parler de processus créatif que je séparerai volontairement des méthodes créatives systématiques et donc industrialisables ou informatisables.
Structuration vs spontanéité
L’organisation au sens de la structuration nuit au processus créatif, celui-ci par essence, emploie des voies non classiques et nécessite des lieux et des temps difficilement planifiables. On parle de pensée « Out of the Box » ou de « pensée orthogonale ». On imagine difficilement une réunion sur agenda pour mardi en 8 de brainstorming productive quand il s’agit des découvertes d’un Newton ou d’un Archimède. De nombreuses études ont montré qu’il est difficile d’être créatif sur commande et que l’effet de la planification, comme de la simple incitation, concernant la créativité étaient néfastes.
« Soyez créatif maintenant et vous aurez un bonus » est un processus voué à l’échec (CF Dan Pink sur la surprenante science de la motivation). De nombreuses méthodes prévoient des temps de prise de recul imposés, c’est mieux que rien, mais on est plus dans une logique d’amélioration continue que d’innovation.
Organisation de la conformité vs apprentissage par l’erreur et sérendipité
Dans nos organisations les processus de création sont aussi régis par des règles qui font que l’on va établir des critères de mise en conformité des innovations attendues. Les innovations ne donnent pas forcément en première instance des résultats probants et elles risquent donc d’être tuées dans l’œuf.
Le célèbre exemple des créateurs d’AirBnb qui ont été obligé de vendre des boites de céréales pour financer leur projet parce qu’aucun financeur ne leur accordait de crédit jugeant l’idée fantaisiste. L’erreur (distorsion) est aussi un magnifique processus créatif, un certain nombre de découvertes ont été réalisées sur le chemin vers d’autres découvertes, par erreur et/ou détection de nouvelles opportunités.
La conformité est là pour éviter les erreurs et s’oppose au processus de création Dans un grand nombre d’entreprise l’on confond erreur et conséquence de ses même erreurs. En interdisant l’erreur on se coupe de ses bénéfices en terme de pouvoir créatif.
La gestion de l’innovation est en elle même un problème, on va budgéter / cadrer / limiter / contrôler et surveiller les dépenses, les idées… et de fait empêcher l’innovation.
Organisation structurelle vs organisation en réseaux
Il est de nature de plus en plus admise que les innovations se situent à la frontière des disciplines. Le seul fait de structurer l’organisation de découper en silot empêche la circulation des informations, le partage et la confrontation des idées et diminue ainsi la capacité de communication et d’échange. Ces modèles non hiérarchiques appelés Adhocratie ont été expérimentés par la NASA pour le projet Apollo de manière à favoriser l’innovation avec le succès qu’on lui connait. Dans cette organisation de type horizontal on met de coté les aspects hiérarchiques au profit d’un foisonnement opérationnel, de plus on autorise la reconfiguration permanente de l’organisation au service de l’objectif.
Organisation financière vs frugalité
Quand la mise à disposition de moyens réduits notre capacité d’innovation :
Il n’est pas rare dans l’histoire que certaines innovations aient été trouvées par des équipes largement sous dotée par rapport à leur concurrents (cf exemple de frères Wright ». L’abondance de moyens peut être un frein à l’innovation, grâce à ‘abondance on s’entête bien plus longtemps dans des impasses que si l’on est juste au niveau budget. En sens inverse le manque apparent de moyens peut-être un formidable atout pour l’innovation, cela porte un nom, l’innovation frugale (jugaad innovation). Cela consiste à faire plus avec moins, viser la simplicité et intégrer l’adversité.
Le principe de frugalité impose de confronter rapidement ses hypothèses à ma réalité pour éviter de partir dans de fausse voies couteuses en temps et en énergies. Un certains nombre de grosses structures tentent l’innovation en milieu privilégié et se retrouvent régulièrement avec des produits ou des services non opérationnels ou qui ne répondent pas aux besoins réels des utilisateurs.
Il n’est pas rare de voir des startups rachetées à coup de millions perdre leur caractère innovant dès l’absorption. Après ces quelques lignes vous comprendrez surement pourquoi, et vous vous demanderez peut-être même si il est possible que cela fonctionne.
Comment s’en sortir, comment innover vraiment ?
Il n’est évidement pas facile, voir pas possible, de donner une règle ou un processus à suivre qui permettrait de garantir l’innovation. On peut par contre essayer de donner quelques principes. Principes, qu’il faudra donc décliner et implémenter dans votre contexte et selon votre environnement pour plus de réussite.
- Innover ne se fait pas dans des bureaux par des têtes pensantes, elle est le résultat d’une exposition prolongée à des problèmes et des situations réelles par tout un chacun.
- Elle ne se commande pas et doit donc être traitée au fil de l’eau comme un signal faible et non comme un processus. La structure doit pouvoir écouter et autoriser l’innovation.
- Elle se nourrit de la réalité et doit éviter toute mise en conditions hors-sol.
- L’innovation se nourrit de la diversité et de l’échange, en se sens elle ne doit pas suivre le processus de cloisonnement de l’organisation (production / achat…).
- Elle nait souvent des erreurs de parcours, en se sens l’erreur est à privilégier tout en se prémunissant des éventuelles conséquences de ces mêmes erreurs.
- Innover est un état d’esprit fragile qui doit être encouragé développer et soutenu.
- Elle respecte la règle, toujours plus de la même chose entraine toujours plus de même résultat et doit pouvoir changer de voie souvent.
- Les innovations naissent souvent à la frontière des mondes et des disciplines, l’interdisciplinarité doit être encouragée.
Évidement l’on pourrait trouver d’autres principes mais ceux-ci demandent déjà pas mal de changements que cela soit au niveau de l’état d’esprit que des modifications à apporter sur le fonctionnement même de l’organisation.
Vous pensez que l’innovation, c’est autre chose, qu’il faut faire différemment, …n’hésitez pas à donner votre avis en commentaire.
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