La performance de l’entreprise est un sujet clé pour les stratèges à la tête de l’organisation et la façon qu’elle a de s’organiser et de se structurer a des conséquences directes sur les performances.
Le constat est le suivant les entreprises et organisations, souvent de grosse taille, se sont organisées à la manière de Taylor en découpant le cerveaux des gens et en le rangeant dans des silos.
A l’instar de Taylor qui réalisa des voitures par décomposition en taches simples via des ouvriers qualifiés sur un domaine précis, on a créé des postes de spécialistes pour créer et gérer la production de nos bien et services.
Cette découpe, visait à mieux organiser la production en la spécialisant en silos métiers, on retrouve classiquement de l’analyse, de la conception, du développement.réalisation , des tests, du déploiement… ou tout autre découpe qui facilite la gestion et optimisation interne des allocations de ressources.
En quoi est-ce que cela nuit à la performance de l’entreprise ?
Cette découpe, orientée gestion interne, facilite surement le travail du « contrôleur de gestion » mais ne permet pas de maximiser la valeur produite pour nos clients et ce pour plusieurs raisons :
- L’optimisation des coûts de chaque silos ne produit pas nécessairement une optimisation globale des coûts de l’entreprise
- L’optimisation des coûts, même globale, ne maximise pas forcement le ROI de l’entreprise
- Il n’y a pas de lien directe en travail et valeur, il faut certes un minimum de travail pour avoir de la valeur, mais maximiser le travail ne maximise pas la valeur produite mécaniquement
- il n’est pas rare que des budgets considérables soient dépensée à optimiser des départements/silos sans produire aucune amélioration des performances de l’entreprise.
Comment en sommes nous arrivé là ?
A la sortie de la 2ieme guerre mondiale, tout était à refaire. Comme souvent, dans ces mondes en renaissance, on assiste en premier lieu à une explosion pré cambrienne du nombre d’acteurs de terrain capables de produire la valeur attendue par les clients en attente car il est aisé de satisfaire un client qui n’a plus rien (par ex : en France en 1950, on compte plus de 10 constructeurs français d’automobiles). S’en suit une phase de contraction des acteurs de terrain, elle s’opère par regroupement (ex: Peugeot-citroen…) et phagocytation (ex:Renault absorbe Panhard…) ; seul les acteurs ayant la plus grosse capacité d’investissement pour produire et créer en masse des produits survivront. Dans ce cadre là, on comprends aisément pourquoi le cout de la main d’œuvre et les couts d’achat ont été autant mis sur le devant de la scène. Le silotage est alors perçu comme un avantage et il devient facile « d’offshoriser » des entités entières dans des pays où la main d’œuvre est la moins chère. Nous sommes dans des marchés où il y à finalement peu de concurrences et peu d’exigences en externe et la performance de l’entreprise ne se juge que d’un point de vue de l’interne, on cherche à optimiser son fonctionnement ses couts sans vraiment regarder les impacts sur les délais ou la valeur finale du produit.
Quel est le point de bascule ?
Dans les années 1970, le monde entier fait fasse à 2 chocs pétroliers qui viennent bouleverser la vision économique des acteurs en présence. S’en suit l’essor du numérique dans les années 1980 qui viendra bouleversé le paysage économique mondial , un certain nombre d’acteurs majeurs comme Rank Xerox, Kodak, Polaroid, Nokia, AT&T, Motorola, Silicon graphics, Honeywell, Sun … vont disparaitre soudainement ou petit à petit entre 1980 et 2000. Le manque d’innovation et de réactivité étant donné comme la cause de leur déclin. En 1986, 2 chercheurs de Harvard avaient écrit un article fondateur sur « les règles de développement des nouveaux produits » et dans lequel ils identifiaient comme facteurs de succès des entreprises ayant résisté et survécu, la prise en compte de l’adaptation et de l’instabilité comme donnée structurante de ce nouveau monde. La performance de l’entreprise est alors considérée d’un point de vue externe en comparaison des compétiteurs présents sur le marché. Il s’agit alors de gagner la course à la compétitivité.
Le syndrome du « Toujours plus de la même chose entraine toujours plus de mêmes résultats »
Un certain nombre d’entreprises survivantes, souvent positionnées sur des marchés protégés (ancienne friche d’état, ou secteur à ticket d’entrée colossale), ont persisté dans cette voie. Ils ont multiplié les organes de contrôle internes dans le but de mieux gérer les ressources internes qu’elles soient humaines ou matérielles (le terme ressources humaines est là lui seul assez choquant et montre bien comment sont considérés les « forces vives » de ces entreprises). A la silotisation ont été rajouté une profusion de fonctions supports et une multiplication de postes de management intermédiaire pour permettre le relai de la stratégie de l’entreprise au management opérationnel et aux forces vives de l’entreprise. Donc au lieu de simplifier la structure organisationnelle et de maximiser la capacité de l’entreprise à accepter le changement, ces entreprises ont maximisé leurs instruments de contrôle et de coordination pour renforcer leur organisation interne et donc faire toujours plus de ce qui ne marchait déjà pas avant avec pour conséquence de moins en moins d’innovation et une baisse de la performance de l’entreprise.
La passage d’une économie du travail dans des domaines compliqués à une économie de la valeur et de la connaissance en environnement complexe
Le problème est bien entendu que depuis la Ford T, la réalisation et la production de biens et services est devenu beaucoup plus complexe, et ce pour plusieurs raisons :
- Dans un contexte ou la concurrence devient mondiale les offres dépassent les demandes ce qui permet au client de devenir plus exigeant et son niveau d’intolérance à la frustration monte.
- Dans le domaine de la réalisation de taches simples ou compliquées, il suffit de mettre plus de ressources ou de paralléliser pour augmenter la production, dans le domaine de création ou de la résolution de problèmes complexes cela ne marche pas et pas plus que mettre la pression, hors les réalisations complexes sont le lots communs des entreprises à l’heure actuelle.
- Le constat est que dans ce nouvel environnement/paysage complexe, le quantité de travail fourni n’est plus synonyme de la performance de l’entreprise, seul la production de valeur réelle à destination des clients l’est.
- Il est facile de distribuer du travail sous forme de « command & control » car il n’est pas nécessaire de maitriser le contenu, il est beaucoup plus difficile de distribuer de la connaissance car il faut savoir de quoi il en retourne.
Un problème dans la chaine de commandement
Il n’est pas rare de voir dans ces organisations un étage stratégique qui pilote à coup de KPI sans avoir une idée précise de ce qui est à faire concrètement pour y parvenir, de fait le management intermédiaire se retrouve à devoir créer, faire appliquer, vérifier et optimiser des règles de fonctionnement et des processus internes fixant les comportements, les achats, la gestion, la vente … qui ne correspondent pas ou plus à des nécessités ou des réalités de terrains et qui ne provoquent pas de gain sur le système entreprise lui même. L’optimisation locale d’un sous système ne produisant pas mécaniquement d’optimisation globale sur le système, voir l’inverse.
Le problème est que la perception de ce besoin de changement peut passer inaperçu et l’agonie peut être très longue si les réserves ou l’avance sont importantes (cf performance trap, dans « Escape Velocity » de Geoffrey Moore)
Comment savoir si vous la performance de l’entreprise est mise à mal ?
Essayez de repérer si ces points sont présents dans votre organisation :
- Mon équipe/mes équipes travaille/travaillent en mode course de relai . Elle/Elles participe/participent à une des nombreuses étapes spécialisées de la réalisation du produit/service final.
- Il faut plusieurs semaines pour valider une demande d’achat.
- J’attends plusieurs jours pour qu’un problème de production soit pris en charge par les équipes supports.
- J’impute ou demande d’imputer tout travail sur des codes précis qui correspondent à des lots de réalisations et/ou je mesure mon avancement en pourcentage de charge estimée restante.
- Avant d’intervenir sur un quelconque projet, je demande sur quel code je doit facturer mon intervention.
- Je fais ce qu’on me dit de faire et pas plus ni moins / je dois rendre des comptes précis et détaillés sur ce que j’ai fait.
- Je ne connais pas forcément les tenants et les aboutissants de mes activités.
- Je travaille sur plusieurs activités à la fois pour optimiser la production.
- Les personnes qui sont à coté de moi travaillent sur d’autres projets que je ne connais pas ou pas vraiment.
- Je participe à des réunions de management où je ne suis concerné que par une petite partie de ce qui est fait et dit et/ou je suis trop souvent en réunion.
- Je ne sais pas qui est client final ou l’utilisateur du projet sur lequel je travaille.
- Je change régulièrement de projet en fonction des besoins d’optimisation de la production.
Si vous avez répondu oui à plus de 4 propositions : Attention la taylorisme de cerveau vous guette, vous y avez mis un doigt, attention de ne pas vous faire happer la main.
Si vous avez répondu oui à plus de 8 propositions : C’est sûr votre cas est positif, vous pouvez peut être encore faire marche arrière, faites vous aider.
Les remèdes possibles pour rétablir la performance de l’entreprise
Différentes remèdes peuvent être mis en place pour permettre de revenir à une production qui maximise la valeur produite pour nos clients :
- Se centrer client, c’est à dire, se mettre en empathie, pensez comme lui, tout faire pour satisfaire ses demandes dans un minimum de temps, même si cela désorganise en apparence la production.
- Casser les silos, l’agilité préconise de créer des mini usines qui sont associées à une solution ou un groupe de solutions à destination d’un client ou d’un groupe de client, même si cela semble ne pas optimiser l’utilisation des ressources. On appelle subsidiarité cette capacité à attribuer au plus petit groupe autonome possible la résolution d’un problème.
- A la place de donner de ordres, donner plutôt du sens et du contexte
- Arrêter d’attendre des livrables (Output) mesurer des résultats (Outcome)
- Composer des équipes pluridisciplinaires pour traiter les problèmes
- Ne pas paralléliser le travail en attendant la disponibilité d’experts mutualisés.
- Chercher les goulots d’étranglement dans vos flots de valeur et concentrer vos efforts uniquement sur l’optimisation et la libération de ces contraintes
- Se focaliser « personne et interaction » plutôt que « process et outils »
- Mettre les fonctions supports au service de la production et non l’inverse
- Repenser les supply chaine
Les réponses sont connues, documentées et mises en œuvre avec succès par un certain nombre de GAFAM et d’entreprises hightech qui sont leaders sur leur marché, pourtant, vous entendrez, à l’exposé des ces remèdes, des phrases du type:
- Chez nous c’est différents…
- Vous n’avez les mêmes personnes que nous..
- Ce sont des utopies, des mondes de bisounours
- Il faut être réaliste, ce n’est pas possible
- …
Dans ces cas là, je me dis parfois, qu’il n’y aurait plus qu’a laisser faire Darwin 🙂
Non, plus sérieusement, vous voulez qu’on en discute, car il y a des solutions, contactez moi.