Il n’existe pas un modèle unique d’entreprise libérée et chaque entreprise a mis en place des modalités d’applications qui lui sont propres. Ceci étant, on retrouve des principes généraux, comme la confiance et la montée en autonomie et en responsabilité des équipes. Lorsque l’on se lance dans une transformation agile de son organisation beaucoup de questions, de sujets d’inquiétudes ou d’interrogations concernent la prise de décision. Ce questionnement est tout à fait logique et légitime dans la mesure où les décisions étaient le pré carré du management et de la hiérarchie.
Quels sont les nouveaux modes de prise de décision dans l’entreprise dites agile ou libérée ?
Il s’agit tout d’abord de bien comprendre la notion d’autonomie et de responsabilité en rapport avec la prise de décision.
Prise de décision dans le cadre de sa mission
Dans les entreprises agiles ou libérées, c’est celui qui « fait » qui « sait » et on ne dit plus « comment » on doit faire le travail mais « pourquoi ». Quand il s’agit de décisions qui nous concernent uniquement nous en rapport avec notre façon de faire le travail, la prise de décision va de soi, puisque nous sommes libres de faire comme l’on veut.
Il faut tout de même préciser que dans bon nombre de métiers, des règles, des process, des normes sont en usage et on est donc forcément limité dans notre liberté par l’état de l’art de la profession et le cadre légal. En dehors de cela, on est libre de s’organiser comme on le souhaite.
La liberté de faire n’inclue pas la liberté de ne pas tenir ses engagements. Si à l’impossible nul n’est tenu, lorsque l’on s’engage à faire quelque chose on essaye de tout mettre en œuvre pour y parvenir. On voit bien que, même à titre individuel, à la liberté vient se rajouter son corolaire la responsabilité. Ce corolaire est logique car la confiance doit être réciproque.
Du coup comment concilier la confiance et le droit à l’erreur ?
Tout le monde est faillible et c’est là qu’entre en place d’autres notions comme celle de transparence et d’honnêteté. Il est important de pouvoir se sentir en capacité de dire non et l’on doit pouvoir parler de ses craintes et de ses erreurs sans peur d’être jugé. C’est le seul moyen de permettre à l’équipe de se connaitre, de connaitre ses limites, de s’améliorer et de faire face aux aléas. L’entreprise doit pouvoir mettre en place un cadre commun protecteur qui permet à tout un chacun d’être plein et entier sans peur.
Prise de décision en groupe
Dès que l’on rentre dans des processus où l’on impacte les autres c’est un peu plus compliqué. Dans beaucoup de prise de décision nous ne sommes pas les seuls concernés : achats, investissements, embauche, choix stratégiques, organisation d’équipe …. impliquent bien plus de personnes.
Là encore, dans bien des cas il n’y a pas de règles formelles et le bon sens est de rigueur.
De manière générale, une équipe est autonome et responsable sur sa mission. C’est à dire qu’en amont (ou de manière régulière) l’équipe réfléchi à façonner son autonomie pour réaliser ses taches. D’un point de vue de l’extérieur de l’équipe on associe à la mission des objectifs (des redevabilités pour certains). Ces objectifs peuvent concerner directement le client ou d’autres équipes internes, c’est la partie responsabilité (ce que je dois aux autres). De plus on veillera à ne fixer que des objectifs collectifs pour éviter les conflits internes. Lorsqu’une tache est confiée à une équipe, c’est celle-ci collectivement qui en répond et on ne ciblera pas des individus. Ceci évite notamment les phénomènes de bouc-émissaire.
On appelle subsidiarité ce principe qui consiste à constituer pour une mission donnée le plus petit groupe autonome nécessaire à sa bonne réalisation.
A l’intérieur de l’équipe c’est bien évidement la négociation qui est privilégiée et la prise de décision concernant les affectations au sien de l’équipe sont laissées aux membres eux-mêmes.
Certaines décisions de l’équipe peuvent néanmoins dépasser le cadre d’autonomie défini. Dans ce cas, l’on pourra, soit redéfinir le cadre d’autonomie en négociation avec les autres équipes qui sont en interface, soit lancer un processus de consultation avec un groupe élargi de personnes.
De manière générale on pourra utiliser plusieurs types de modes de prise de décision.
La prise de décision autocratique
Cela peut paraitre étonnant mais la prise de décision autocratique existe dans les entreprises libérée. En situation d’urgence, si le bateau coule ce n’est pas le moment de perdre du temps en palabres.
Cela fait partie des vertus de l’autonomie et du bon sens. De plus, dans la mesure où, les enjeux ne sont pas forcément de même nature dans l’entreprise, entre un stagiaire, un salarié de 30 ans d’ancienneté ou le dirigeant qui a hypothéqué sa maison certaines décisions pourront être prise avec une certaine forme d’autorité. Pour autant, ces entreprises essayent de limiter autant que possible ces recours. Et toute utilisation autocratique doit pouvoir être limitée dans le temps et dans son périmètre pour répondre au caractère d’urgence ou de gravité de la situation.
On entend souvent parler de la notion de ligne de flottaison. Les impératifs économiques minimaux s’imposent à tous et le champ de l’autonomie et de la liberté s’y heurtent forcément. Toute décision est possible tant qu’elle ne remet pas en cause cette ligne de flottaison. Ceci demande une transparence exemplaire pour que tout un chacun puisse la connaitre pour mieux la respecter.
La prise de décision par consentement mutuel
Au sien d’un groupe concerné par une problématique, l’une des personnes a détecté un problème qui demande une action et en tant que première personne concernée, elle peut faire une proposition de résolution. Cette proposition est amenée devant le plus petit groupe concerné et servira de points de départ. Les objections éventuelles ne sont traitées que si quelque chose d’autre est proposé à la place (objections constructives). On appelle cela un processus d’amendement, on va modifier la proposition de départ en ajoutant ou remplaçant des points existants par les nouveaux amendements. Si tout le monde est Ok avec cela, on arrête, sinon on continu jusqu’à ce qu’il n’y ait plus demande de modification. Le processus s’arrête une fois que toutes les objections sont traitées ou que personne n’est trop gêné.
Cette démarche se différencie du consensus, le consensus, c’est « tout le monde dit oui » ; le consentement, « c’est personne ne dit vraiment non ». Cela permet aux gens de ne pas prendre parti sur des sujets où ils se sentent indécis, moins compétents…Ce processus permet également de ne pas entrer dans l’opposition frontale.
La prise de décision par « Advice process » ou processus de conseil
Une autre façon de faire a émergé dans ce type de structure, c’est l’ « advice process« . Il s’agit d’une philosophie de prise de décision qui consiste à acter que toute personne peut prendre n’importe quelle décision du moment qu’elle prend conseil avant auprès des personnes concernées, qui ont l’expertise ou qui sont impactées par la décision.
La personne n’est pas pour autant obligée de tenir compte de tous les avis, mais devra s’être profondément et honnêtement renseignée auprès des différents acteurs sur le sujet.
Il s’agit du stade de responsabilité ultime, on est libre de tout faire mais il faut avoir fait l’effort de vraiment se poser les bonnes questions auprès des bonnes personnes pour ensuite assumer ses propres choix.
Ce type de façon de décider est utilisé dans certaines entreprises pour ce qui concerne, par exemple, les augmentations individuelles. Je suis libre de m’accorder l’augmentation de mon choix en ayant au préalable consulté mes collègues, remis en perspective mes contributions au groupe ou consulté un éventuel comité de sage qui pourra m’avoir émis une recommandation que je suis libre de suivre ou pas. Dans l’entreprise où tout est transparent, les autres sont bien évidement au courant de ce qui se passe et il faudra donc pouvoir assumer devant le groupe des choix qui seraient exagérés. il est a noté que les entreprise qui ont mise en place ce type de processus de décision, il y a finalement très peu d’abus et les processus se régule rapidement, le bon sens émerge et l’opportunisme ou l’égoïsme sont très faiblement représenté. L’effet régulateur se produit dans les deux sens et le processus permet même aux gens qui se sous-estiment de se voir mieux récompensés.
La non décision ou l’art du « et » à la place du « ou »
Dans les entreprises classiques, la prise de décision riment souvent avec choix : Je fais ceci à la place de cela. Du coup les gens entrent en campagne pour promouvoir leurs idées, les défendre et il s’agit de convaincre son interlocuteur du bien fondé de celles-ci. Dans les entreprises agiles ou libérée, vous êtes libres de tenter vos propres choix. Plus besoin de choisir ou de convaincre par la parole. Vous pouvez, de votre propre initiative, tenter de mettre en place la solution qui vous parait la plus adaptée. Et si deux solutions voit le jour à la place d’une, c’est le principe de réalité qui finira par trancher … ou pas. C’est un processus très darwinien, qui prévaut que la réponse vient de l’environnement et que plusieurs réponses peuvent éventuellement cohabiter au sein d’un même écosystème du moment qu’elles apportent une réponse adaptée. L’entreprise agile ou libérée n’est pas le lieu de l’unicité de la réponse, si certaines équipes trouvent plus efficace de faire d’une façon et d’autres d’une autre, où est le problème ? On se concentrera sur ce qui créé réellement de la valeur pour le client car les moyens ne sont pas une finalité.
La prise de décision en définitive
De manière générale dans ce type d’entreprise, collaboration et négociation sont privilégiées par rapport la définition d’un contrat rigide. On essaye de s’adapter à son environnement en acceptant qu’il n’y ai pas une seule façon de faire les choses. Accepter la divergence c’est accepter de s’ouvrir à l’autre et de s’enrichir de son point de vue, c’est permettre à des solutions innovantes d’émerger.
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