De plus en plus d’entreprises se lancent dans le mouvement avec plus ou moins de succès, voici la liste non exhaustive des fausses bonnes idées qui pourraient vous conduire droit dans le mur.
Pour bien rater sa libération d’entreprise, il faut :
Bien communiquer sur la libération :
Ça y est, cette fois vous avez murement réfléchi votre décision, en tant que CEO vous lancez la libération d’entreprise. Vous réunissez votre CODIR et décidez de leur annoncer votre choix. Vous communiquez à grand frais pour annoncer à tous l’imminente libération d’entreprise.
Finalement, rater sa libération c’est facile, il peut suffire de mal commencer. En faisant cela vous avez créé une attente importante et avez délivré une promesse qui pourrait bien faire faire des déçus quand le temps avancera plus vite que les actes. Vous souhaitez communiquer, parler de vos actes et non de ce que vous souhaitez qu’il advienne.
Bien choisir la méthode :
Vous avez cherché partout et déniché la dernière méthode clé en main pour libérer votre entreprise. Elle prévoit tout, vous avez même fixé le calendrier : A T0+3 mois vous aurez mis en place les premières briques et embarqué les plus motivés, à T0+6 mois les indécis seront rajoutés au plan et à T0+9 mois les récalcitrants suivront où seront débarqués. Première erreur, il n’existe de méthode que pour traiter l’uniformité, dans un monde complexe, seuls les essais erreurs sont adaptés, oubliez donc les méthodes toutes faites ou les copier/coller. Ce qui s’applique à certains ne s’applique pas forcément à vous et inversement. De plus, la planification de ce type de transformation est un contresens, rappelez vous, vous entrez dans le monde de l‘adaptation vs celui de la prédiction et de l’illusion du contrôle.
Libérer pour libérer :
Vous avez décidé de libérer pour tous les avantages que cela procure chez les autres qui s’y sont lancés ou parce que cela correspond à votre philosophie et votre objectif est clair « libérer mon entreprise ». Pourtant vous ratez surement une étape essentielle : Quel est la vision de votre entreprise ? Quelle est la direction que vous souhaitez viser pour votre entreprise ? Quel rêve collectif offrez-vous à vos salariés ? D’ailleurs, ont-ils contribué à son élaboration ? Vous ratez assurément un profond facteur d’adhésion et d’identification qui pourrait bien vous faire défaut dans la suite des étapes. A la question : « De quoi souhaitez-vous vous libérer ? » il vous est peut-être plus facile de donner des réponses, cependant, bâtir un projet de libération d’entreprise sur des choses à éviter ou à combattre n’est pas, non plus, productif à long terme, on le sait depuis longtemps les objectifs positifs sont bien plus motivants.
Créer un sentiment d’urgence ou poser un ultimatum :
Vous voulez que les gens s’impliquent alors pourquoi pas créer un sentiment d’urgence pour mobiliser les troupes, on vous a toujours dit : « c’est souvent au pied du mur que …. » l’on voit le mieux le mur et vous y courrez tout droit. La transparence est une des premières vertus mentir et manipuler sont des choses dont vous devrez vous passer.
Vous souhaitez néanmoins être sûr du résultat alors vous fixez un ultimatum, « qui m’aiment me suivent » et dans trois mois ceux qui en sont pas pour le mouvement partiront. Malheureusement vous envoyez un terrible message contradictoire, je vais manager par la confiance mais je ne vous la donne pas et ne vous laisse pas le temps de vous adapter.
Créer un comité de pilotage pour suivre la transformation :
On nomme le projet de transformation et un comité de pilotage pour suivre le respect du plan de déploiement et gare aux contrevenants, on exige la participation de tous et surtout l’engagement de chacun. Vu le coût de l’accompagnement, il ne s’agirait pas que cela dérape, le triptyque Coût / Délai / Périmètre doit être à tout prix respecté. On met en place des KPI pour l’avancement, on déploie des contrôleurs et à échéance régulière on commande un audit. Tous les ingrédients de l’ancien monde pour mesurer le nouveau, en fait, vous essayer de faire rentrer des vis avec un marteau. Accessoirement on met en place une mesure du ROI de la transformation et la boucle est bouclée. Permettez plutôt la transparence pour donner à tous la possibilité de voir les effets des changements et d’ajuster les choix. Au comité de pilotage, préférez des groupes auto-responsables de gens de terrains impliqués qui communiquent sur leurs actions et leurs résultats.
Lancer des chantiers sur tous les thèmes de l’entreprise :
Vous souhaitez un maximum de participation et vous lancez des chantiers, des groupes de travail pour réfléchir à la façon de travailler, produire, vendre… demain. Chaque groupe de travail doit produire d’ici quelques mois le fruit de leur réflexion sous forme de cahier des charges, de chartes d’engagement… Au bout de 6 mois, vous avez obtenu d’imposants documents non terminés et dont vous ne savez trop que faire, vos équipes se lassent de leurs efforts. Les groupes de travail sont désertés et les gens commencent à douter. Préférez des petits pas, les méthodes itératives évitent les grands chantiers « hors sol » et leurs effets tunnels. Rappelez-vous qu’il vaut mieux faire plutôt que décrire et que la valeur d’une transformation doit être produite régulièrement pour éviter les déceptions voir la recherche de coupables en fin de projet. La profusion d’information lié à la transparence a aussi pour effet de créer cette effervescence, ne pas oublier que dans l’entreprise libérée : « le travail n’est pas la valeur, notre travail c’est créer de la valeur » et qu’une direction à suivre aide à orienter les choix d’action .
Être autosuffisant :
« En tant que dirigeant, j’ai lu tout ce qu’il y avait à lire et je peux incarner la libération d’entreprise par moi-même, j’ai d’ailleurs une idée assez précise de ce qu’il faut faire. »
Il y a en fait, toutes les chances que les limitations de votre transformation soient liées à vos propres limitations internes. Ce que vous ne concevez pas ne pourra advenir et ce que vous redoutez pourrait bien d’arriver. Plus vous avez une vision précise de ce qu’est ou n’est pas une libération d’entreprise et plus vous pouvez influencer celle-ci pas forcément pour son bien. Tout le paradoxe est lié au fait qu’il est difficile de se connaitre soit même et qu’il est difficile de connaitre un système de l’intérieur.
Dans un monde complexe, il n’y a pas forcément une seule solution à un problème donné, la vôtre est-elle la meilleure ? Et si c’est votre solution qui est déployée, s’agit-il toujours d’une libération d’entreprise ? Un travail sur votre vision des choses et votre égo serait, surement, un des meilleurs apports à la libération de votre entreprise. De plus, si vous vous sentez à l’aise dans la transformation, c’est mauvais signe. Il y a toutes les chances que vous soyez entrain de faire plus de la même chose en espérant avoir une résultat différent. Un état externe de votre situation, de votre culture et du vécue de ses paradoxes serait surement un bon réflexe.
Faire voter toutes les décisions :
Vous l’avez rêvé, la démocratie au cœur de l’entreprise est à portée de main et vous avez décidé que tous les sujets seront votés. Malheureusement le consensus est une solution peu efficace et est le siège des lieux de pouvoirs. Le principe de subsidiarité nous invite à repenser nos modes de décision et on préfère la consultation ou la sollicitation d’avis dans l’entreprise libérée ou agile. De même, la décision par consentement mutuel semble bien plus adaptée. Rappelez-vous que c’est « celui qui fait qui sait » et plus vous êtes loin du terrain et moins votre avis importe.
Ne croyez pas pour autant que dans l’entreprise libérée on fait ce que l’on veut, s’autoriser à la liberté sans faire monter la responsabilité qui va avec n’a pas de sens. Vous avez une idée, un projet, une nouvelle stratégie qui n’est pas entendu et vous êtes en colère contre le système, posez vous la question de savoir ce qui fait que votre projet ne remporte pas l’adhésion. Pensez petits pas, plutôt que de demander des budgets, amenez des résultats tangibles cela fera beaucoup plus d’émules. Un changement se base sur des résultats démontrables bien plus que sur de grandes promesses.
Exiger l’engagement :
Certaines entreprises s’y sont essayées, mesure de la présence, indicateurs de performance individuels… Avec pour effet de bord, un nouveau système de pression ou de contrôle. Privilégier l’auto-positionnement des salariés en se basant sur les motivations intrinsèques (j’aime) des personnes plutôt que sur les motivations externes (il faut / je dois) serait pourtant bien plus efficace.
Bientôt on y sera :
Vous vous êtes fixé un objectif temps pour planter le beau drapeau « d’entreprise libérée » ou, il vous tarde de pouvoir dire ça y est nous sommes une entreprise libérée. Il est vrai que ce terme est un peu mal choisi tant il laisse à penser que l’on peut marquer d’un point solennelle la fin de l’aventure. Malheureusement c’est une idée fausse qui contribue bien souvent à l’échec de la transformation. Il vaudrait mieux l’envisager comme un voyage sans fin. Il n’y a rien de définitif dans une libération et s’adapter tous les jours à son environnement demande une attention constante. Les retours en arrière sont même possibles.
Je vais pouvoir vendre l’entreprise libérée à mes clients :
Encore un idée reçue, le mot « entreprise libérée » ne fait pas vendre, les clients n’y seront pas sensibles. Pour eux, seule la valeur ajoutée que vous leur apporterez sera un argument pour vous choisir. Encore un fois, il vaut mieux privilégier la création de valeur au marketing. Ne vous y trompez pas vous serez jugé sur pied. Travailler à construire votre relation client avec agilité est par contre une bonne idée.
Éradiquer les managers :
« Dépositaire d’un égo démesuré et incarnation même du pouvoir, les managers ne me servent à rien, supprimer leur postes contribuera à alléger ma masse salariale ». Là encore ceci serait une bien mauvaise idée, il ne faudrait pas confondre suppression du système « command and control » et suppression des managers. ils ont un rôle à jouer de part leurs connaissances et leurs compétences. Dans le processus de prise de conseil (advice process), ils sont de formidables « challenger » et pour faire grandir les équipes de formidable « entraineurs ». Permettez-leur plutôt de devenir les « servant leader » ou leaders jardiniers qui apporteront leur valeur ajoutée au système.
La libération d’entreprise c’est du sérieux
Réinventer l’organisation, revoir les process, s’améliorer en continu, s’adapter perpétuellement, produire régulièrement de la valeur ce n’est pas à prendre à la légère. Pourtant, il ne faudrait pas pour autant oublier l’essentiel : le plaisir. Pour être capable d’innover et d’être à l’écoute des signaux faibles le stress est un bien piètre allié. Notre cerveau est ainsi fait qu’il ne peut se mobiliser pleinement dans un environnement tendu. Être dans le plaisir de faire est certes favoriser par l’autodétermination mais mettre un cadre protecteur qui permet d’être soit même sans gêner les autres permet d’allier plaisir et travail. Le plaisir au travail est d’ailleurs un bon indicateur du succès de la libération d’entreprise, quand il disparait ou s’amenuise, il est temps de faire quelque chose.
La libération d’entreprise c’est cool et tout le monde doit s’en réjouir :
Cela peut paraitre paradoxal, mais si à terme la souplesse fait diminuer les tensions, lors du lancement dans la démarche de libération d’entreprise, le stress sera forcément présent. Ceci est lié au saut dans l’inconnu, être à l’écoute des inquiétudes et des interrogations amènera avec le temps la sérénité. Notre volonté de vouloir prévoir et contrôler est d’ailleurs dû au côté apaisant qu’il procure en première instance, même si on sait que cela ne marche pas sur le long terme. La sérénité se développera au fur et à mesure que votre capacité d’adaptation aura montré sa réussite à lever les cailloux qui se présenteront. Dans le système classique de l’entreprise 1.0, où l’on croit pouvoir prévoir et tout maitriser, le début de l’aventure est toujours sereine et la fin rime bien souvent avec panique et recherche des coupables. Dans un système adaptatif, le début est plus anxiogène et la sérénité se développe au fur et à mesure de l’avancement du projet.
Bien rater sa libération d’entreprise est finalement quelque chose d’assez simple et le seul fait de se poser sérieusement la question :
Qu’est-ce que je dois faire pour bien rater ma libération ?
serait, peut être, une sage une précaution .
Vous avez des questions ou des besoins, n’hésitez pas à nous contacter
Contactez-nousRetour au dossier : Entreprises libérées et agilité dans les organisations
Bonjour,
Je connais une petite entreprise toulousaine, qui aurait pu vous servir de modèle pour rédiger cet article, tant chaque point a été scrupuleusement respecté pour « bien rater sa libération ».
Ma question est : une fois qu’on a « bien raté sa liberation » est-il encore possible de « bien la réussir » ?
Bonjour,
Et bien oui, c’est tout à fait possible.
Il y a même certains cas où passer par les erreurs est obligatoire (cela fait parti de la démarche d’essai erreur).
« Il y a une différence entre connaitre le chemin et arpenter le chemin » – Matrix
Pour qu’un système change, il faut souvent qu’il passe par un constat de sa réalité. L’erreur est le meilleur moyen d’apprendre de son environnement et de soi.
Si vous êtes passé par tout les points ci-dessus alors vous avez beaucoup appris !
Votre cas n’est pas isolé et un certain nombre d’entreprises bataillent pendant leur évolution. Le plus important est la prise de conscience que vous avez butté sur quelque chose. Si le dialogue est autorisé, avec un peu de pragmatisme, rien n’est perdu.
La première des pistes est de s’orienter production de valeur dans toutes vos actions et interactions, cela limitera les effets tunnels, les discussions sans fin et la perte de motivation.
Vous pouvez aller voir aussi du coté de https://www.ekilium.fr/blog-coaching/entreprises-liberees-et-agilite-organisations/le-corporate-hacking-la-liberation-de-linterieur/
Merci pour cet article Patrice.
Je rajouterai 4 points :
1. Laisser un espace vide pour que les choses se fassent spontanément. Non, il ne suffit pas de laisser de l’espace pour qu’il se remplisse. Il est important de poser un cadre précis.
2. Le changement de paradigme managérial demande un changement de schémas mentaux, de croyances. Certes, mais ce serait une erreur de n’être attentifs qu’à ces changements. Mettez aussi en oeuvre des changements visibles comme la réorganisation des bureaux, des parkings, …
3. Les managers vont adhérer car ils ont moins de pression. Eh bien non ! C’est une véritable perte de repères et donc le besoin d’en créer d’autres, de désapprendre ou réapprendre. Le middle management doit être accompagné vers cette nouvelle posture.
4. Communiquer le plus possible. Oui, communiquer sur les succès, même les plus petits mais prendre garde aux effets de langage, aux raccourcis qui créent des effets de distortion. Prenez le temps de communiquer avec précision.
Merci Jean-Yves pour ces points supplémentaires.
1)Un cadre protecteur est en effet un élément important pour permettre l’expression de tous.
CF https://www.ekilium.fr/blog-coaching/entreprises-liberees-et-agilite-organisations/entreprise-liberee-socle-de-valeur-et-cadre-commun/
2) Tout à fait d’accord avec vous, c’est le principe de stigmergie : une trace laissée par une action dans l’environnement stimule l’accomplissement de l’action suivante. Il faut donc faire de petit pas. Ou autrement dit : les paroles s’envolent les actes restent.
3) Le servant leadership est quelque chose qui s’apprend effectivement :
https://www.ekilium.fr/blog-coaching/entreprises-liberees-et-agilite-organisations/management-agile-le-servant-leader/
4) Il est en effet important de communiquer sur les succès et dans une certaine mesure sur les erreurs, pas pour les fustiger, mais plutôt pour les valoriser comme apprentissage et pour encourager la prise de risque mesurée.
https://www.ekilium.fr/blog-coaching/entreprises-liberees-et-agilite-organisations/entreprise-liberee-le-droit-a-lerreur/