Je vois régulièrement des articles qui donnent des trucs et astuces pour vaincre la procrastination. Le problème est que la procrastination n’a pas une cause unique et les trucs et astuces que je peux lire ne fonctionnent du coup que rarement. Avant de choisir sa stratégie de résolution, il est important de comprendre l’origine de son comportement. Essayons de voir quelles peuvent être les causes des procrastinations et comment y remédier.
Qu’est-ce que la procrastination ?
La procrastination c’est cette capacité à repousser une tache, une action, de la remettre au lendemain jusqu’au moment où l’on en peut plus y échapper. Nous sommes tous amenés à faire des choses qui ne nous conviennent pas pour une raison ou pour un autre dans les activités professionnelles qui nous incombent. Cela peut aller d’une simple gène à un blocage complet. Comment pouvons nous aider ces personnes à aller de l’avant, cela dépend évidement des raisons pour lesquelles nous ne passons pas à l’action. Sauf exception, donner des conseils méthodologiques ou d’organisation n’a souvent aucune portée et du coup les gens se découragent et se disent qu’ils sont des cas désespérés. Mais alors, que peut on faire ?
Les origines de la procrastination dans notre cerveau et les stratégies d’actions associées
D’après le modèle ANC de l’Institut de Neurocognitivisme.
1èr type de causes, de la procrastination les réactions instinctives
C’est le siège du territoire hypothalamique (cerveau instinctif) on va retrouver 3 types de comportements :
L’individu ressent une peur instinctive à l’idée de réaliser l’action
Explication
- L’individu a un vécu de peur, d’anxiété, d’angoisse à envisager l’action
- Il vit un état de fuite associé à l’action à réaliser, c’est pourquoi il va essayer d’échapper à la tache par tout les moyens possibles
- Les observateurs externes pourrons penser qu’il les évite ou essaye de se défiler…
L’individu ressent une colère instinctive à l’idée de réaliser l’action
Explication
- L’individu a un vécu de colère, d’énervement, de susceptibilité rien qu’à l’idée de faire l’action
- Il vit un état de lutte associé à l’action à réaliser, c’est pourquoi chaque fois que l’action est envisagée son évitement sera bruyant jusqu’à abandon
- Les observateurs externes pourrons penser que la personne est de mauvaise foi, est caractérielle ou mal lunée
L’individu ressent une inhibition instinctive à l’idée de réaliser l’action
Explication
- L’individu a un vécu de découragement, d’inhibition, de pessimisme extrême rien qu’à l’idée de faire l’action
- Il vit un état d’inhibition associé à l’action à réaliser, c’est pourquoi chaque fois que l’action est envisagée la personne s’efface, se replie sur elle même
- Les observateurs externes pourrons penser que la personne est molle, sans cervelle, peu concernée…
Dans les trois cas la fin de l’exposition provoque un retour au calme durable et les comportements redeviennent normaux jusqu’à la prochaine fois.
Que peut-on lui proposer ?
- Analyser l’origine de la peur instinctive et mettre des mots sur les émotions (encore faut il que cela soit autorisé)
- L’aider par des exercices à changer son approche du problème pour provoquer une baisse de l’état de stress engendré et ainsi permettre le retour à l’action.
Remarques
Même si ce ressenti est fort, une fois la situation évitée, la personne peut reprendre une vie normale, s’amuser, rire, faire d’autres choses productives dans l’intervalle.
L’objectif de toute intervention est ici de permettre à la personne de sortir de son état de stress passager et de reprendre possession de ses moyens pour passer à l’action. On pratiquera ce que nous appelons la gestion relationnelle du stress. Les méthodes associées sont à la portée de tous et une formation courte à ces pratiques peut être utilisée pour maximiser les résultats.
2ième type de causes, le manque de motivation intrinsèque
La personne a un discours conscient orienté vers l’action mais le passage à l’acte ne se fait que rarement ou ne dure pas dans le temps.
Explication
- C’est le siège du territoire néolimbique qui agit, celui des motivations secondaires qui est régi par le système de punitions/récompenses, sans pour autant avoir de motivation intrinsèque ou durable associée à l’action
- L’individu vit un « il faut » sans avoir le moteur « je fais naturellement, j’aime » associé à l’action
- Son comportement sera de faire passer le reste en priorité ou de privilégier des comportements apportant leurs lots de plaisir immédiat et la diffusion de dopamine qui va avec.
- De l’extérieur on pourra penser qu’il perd son temps ou papillonne, qu’il est fainéant…
Que peut-on lui proposer ?
- Identifier et travailler sur l’origine de ses « il faut »
- Comprendre les ressources qui pourraient venir à votre secours en faisant l’action de manière différente.
En fonction des motivations primaires qui nous animent on pourra par exemple :- Classer ses papiers de manière ludique si on est animateur en personnalité primaire
- Traiter sa pile de dossier avec un chronomètre si on est un compétiteur dans l’âme…
Remarques
On retrouve dans cette catégorie beaucoup de résolutions du nouvel an, sous la pression de la tradition on se fixe des objectifs qui ne sont pas alignés en terme de motivations profondes. Si la personne trouve un moyen de les intégrer dans son mode de vie effectif, c’est à dire, ses « j’aime » comportementaux, les résolutions tiendront. Une bonne connaissance de soi est un atout pour permettre de repositionner ces actions dans un mode comportementale compatible avec soi-même, des outils permettent de découvrir ses profils de motivation pour mieux s’adapter. Une aide à la mise en place peut se faire par le biais d’un coaching individuel sur un temps relativement court.
3ième type de causes, les anti-valeurs
La personne revendique et justifie de ne pas faire l’action, s’emporte et rejette l’action en bloc et peux se transformer en véritable militant contre ce type d’action.
Explication
- C’est le siège du territoire néolimbique, et plus exactement, la partie en charge de la gestion des anti-valeurs correspondant à des échecs associés au système de punitions/récompenses de notre apprentissage
- La personne vit un « je ne supporte pas », « je déteste » l’action en question et rejette tout se qui s’en approche de près ou de loin
- De l’extérieur on ne manquera pas de nom d’oiseaux pour caractériser la personne tant le rejet est visible et bruyant (colère chaude)
Que peut-on lui proposer ?
- Identifier sur l’origine de ses « je ne supporte pas »
- Faire de exercices pour apprendre à relativiser et atténuer ses croyances en trouvant d’autres implications et conséquences à l’action décriée ou d’autres motivations que les anti-valeurs perçues.
Remarques
Il faut bien voir ici que la personne s’oppose consciemment aux taches à faire et tenter de le convaincre ne sert à rien. Il faut vraiment amener une reprogrammation des croyances associées pour permettre le passage à l’acte, la formation et les conseils sont inefficaces. Obligé à l’action, il y met un mauvaise volonté flagrante et râle à la moindre déconvenue. Un coaching peut être bénéfique pour aller rapidement à l’essentiel et éviter les mécanismes de résistance, le management peut en amont travailler avec la personne pour vérifier que la personne veut bien se faire aider.
4ième type de causes, le manque ou l’excès de confiance en soi
L’individu ressent un excès de confiance en lui
Il affirme son pourvoir par un refus de réaliser cette action qui est en désaccord avec son positionnement dans le groupe.
Explication
- C’est le siège du territoire paléolimbique (cerveau grégaire)
- L’individu a un positionnement dominant et a peur de perdre sa place dans le groupe en réalisant cette action, il agit de manière froide et cassante. Il utilise la ridiculisation et la culpabilité pour dénigrer l’action (colère froide)
Que peut-on lui proposer ?
- Se détacher du contexte et basculer en en mode adaptatif (associé au cerveau préfrontal)
- Ne pas chercher à le conseiller, surtout en public, rester neutre pour ne pas envenimer les choses
- En privé, l’amener à réfléchir sur son comportement par des questions ouvertes, sans juger, pour le faire passer dans un autre mode : valeurs, dimensions adaptatives
L’individu ressent une manque de confiance en lui
Il se sens incapable de réaliser l’action, il ressent une culpabilité irrationnelle, il se sent misérable, sans confiance en lui, pas à la hauteur.
Explication
- C’est le siège du territoire paléolimbique (cerveau grégaire)
- L’individu a un positionnement de type soumis et se sent comme si il n’avait pas fait ce qu’il fallait vis à vis du groupe, il se dénigre et se culpabilise. Ceci se caractérise par un rejet de l’action et l’incapacité de faire quoi que ce soit de productif dans l’intervalle qui le conduit à l’échéance. Il occupe l’espace qui le sépare de l’échéance par des taches qui n’ont pas plus de sens pour lui que pour les autres tout en y trouvant aucun réconfort, la culpabilité est omniprésente.
Que peut-on lui proposer ?
- Se détacher du contexte et basculer en en mode adaptatif (associé au cerveau préfrontal)
- Ne pas chercher à le convaincre ou le forcer, surtout en public, rester neutre pour ne pas augmenter ses doutes
- En privé, l’amener à réfléchir sur ses doutes par des questions ouvertes sans juger pour le faire passer dans un autre mode : valeurs, dimensions adaptatives
Remarques
Dans tout le deux cas, il est difficile de faire changer d’état d’esprit quelqu’un qui vit sous l’emprise de son positionnement grégaire face à son public. L’instinct de groupe est un mode très peu souple et automatique. La gestion de ce type de comportement est délicate et demande une bonne connaissance des mécanismes et de la pratique. Dans le cas du manque de confiance en soi, la procrastination est souvent un mode de vie chez ces personnes et un travail de fond est nécessaire pour obtenir des résultats durables. Pour le cas de l’excès de confiance en lui, le vécu de procrastination n’est présent que si la possibilité de faire faire l’action par quelqu’un d’autre n’est pas possible (délégation de taches considérées comme dégradantes pour le rang du dominant).
Un accompagnement sur le long terme est souvent nécessaire, pour des cas légers, les progrès peuvent être rapides (quelques mois seulement).
4ième type de causes, les comportements d’évitement inconscients
L’individu revit un évitement inconscient associé à un vécu d’échec social (rejet du groupe) ou d’avoir été ridiculisé dans la même situation quand il était jeune.
Explication
- C’est le siège du territoire néolimbique (image sociale)
- L’action correspond à un interdit, un tabou ou un blocage comportementale pour l’individu, le cerveau de la personne associe l’action de manière inconsciente à une forme de rejet ou de mort sociale.
- L’individu a mis en place un interdit qui l’empêche de se retrouver de nouveau dans la même situation sans pour autant en connaitre les raisons profondes. Le seule fait d’évoquer l’action à faire provoque une réaction pouvant prendre la forme d’une sidération, d’un rejet brutale et incohérent ou d’une admiration distante sans possibilité d’y accéder (« ce n’est pas pour moi »).
Que peut-on lui proposer ?
- La recherche du comportement verrouillé est la seule issue
- Une fois le/les comportements trouvés une phase d’affrontement progressif est à préconiser
Remarques
La recherche comme l’aide à l’affrontement requiert une bonne connaissance des mécanismes sous-jacents. Il est délicat de réaliser ces opérations sans une solide expérience de ce type d’aide.
Le vécu émotionnel associé à la simple idée de faire l’action est très intense, pourtant une fois ciblée la résolution du problème peut être très rapide. La finesse du coach sera importante pour permettre de bien viser le bon élément à traiter.
Conclusion
Vous l’aurait compris les raisons de procrastiner sont nombreuses, la première difficulté consiste bien évidement à identifier le type de cause. On peut aussi avoir des cas où plusieurs facteurs se cumulent comme par exemple : un évitement inconscient, focalisé sur des anti-valeurs apprises culturellement et nourries par un manque de confiance en soi. Dans des cas comme celui-ci il faudra travailler dans un ordre bien précis pour permettre une reprogrammation cognitive durable et bienveillante.
Vous aurez remarqué ici qu’à aucun moment je n’ai parlé de loi de Pareto, de détermination d’objectif, de suivi avec des listes ou de planning ou de retro-planning car ce ne sont que des outils qu’utilisent les personnes qui non pas de problème de procrastination ou qui ne seraient valables que dans un contexte et pas dans un autre.
De plus, certains de ces outils correspondent à des profils de personnalités (des façons de penser et d’agir) bien identifiés et ne fonctionnerait même pas chez d’autres profils et ce, même sans la présence de procrastination.
Il n’y pas de solution unique, pas plus qu’il n y a de façon unique de faire pour ne pas procrastiner. Ceci explique notamment les échecs répétés des formations gestion de temps ou organisation sur ce type de profil, le problème n’est pas d’ordre intellectuel ou de l’ordre de la volonté. Il s’agit de processus cognitif acquis et validé tout au long de la vie et qui ont permis à la personne de se construire et de s’insérer dans son environnement, pour avancer, il faut déconstruire certains schémas qui sont devenus inadaptés et les remplacer par d’autres plus efficaces et ainsi construire ses propres solutions.
Il est difficile de faire cela tout seul même quand l’on connait les méthodes car nous sommes à la fois juge et partie et nous perdons notre objectivité sur nous même. Il est, par exemple, très dur de repérer ses propres mécanismes inconscients puisque notre cerveau nous en interdit l’accès y compris pour se poser les bonnes questions.
Vous avez des soucis de procrastination, vous avez des questions ou des besoins, n’hésitez pas à nous contacter
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