Faut il souffrir pour changer ?

Dans l'entreprise faut-il souffrir pour changer ?

Le débat ne date pas d’hier. Peut on appréhender le changement sans difficultés ?

Changer impose de revoir nos modes de penser et ce n’est pas souvent si simple. La prise de conscience, à elle seule de la nécessité d’un changement, n’est pas toujours agréable.

Si l’on en croit les dernières découvertes en matière de neurosciences, changer serait toujours plus difficile à faire que de rester avec nos certitudes et nos habitudes.

Toujours, vraiment ?

Arguments en faveur du oui :

Pour simplifier, l’aire droite de notre cerveau, qui héberge la créativité, est aussi le lieu des émotions « négatives ». Allumer la case émotions négatives, c’est mobiliser nos aires créatives pour changer.
En fait, biologiquement parlant, nous ne changeons que si l’environnement nous l’impose ou, autrement dit, pourquoi changer si tout est OK ?
Ce processus vise à adapter notre corps à son environnement au travers de la modification de nos caractéristiques biologiques (production d’hormones, rythme cardiaque, respiration….).

Ce processus de régulation fonctionne sous le forme d’un processus à « seuil », par exemple, si on ne mange pas pendant un temps, on finit par avoir faim, car nos réserves sont trop basses (seuil 1), au bout d’une certaine quantité d’aliment absorbée, on ressent une sensation de satiété (seuil  2) et l’on arrête de manger. Ce mécanisme de maintien de l’équilibre du corps, nécessaire à sa survie, est inhérent à tout changement et nos sensations/émotions en sont les manifestations visibles. Dans la vie de tous les jours, le stress nous prépare à faire face à quelque chose évalué (à tort ou à raison) comme un danger et prépare le corps à la réponse approprié (fuite, lutte, ou inhibition).

Au cours de notre évolution en tant qu’espèce nous avons eu à faire face à de nombreuses difficultés auxquelles il a fallu s’adapter en étant créatif. Les neuroscientifiques estiment que ces processus punition/récompense sont au cœur de notre développement d’humain et de personne.

Arguments en faveur du non :

Paradoxalement, le stress nuit à la créativité. De nombreuses études montrent que le management par le stress a des effets néfastes sur la productivité, augmente l’absentéisme, fait baisser la motivation et la responsabilisation des collaborateurs. Ces attitudes sont contreproductives et peuvent engendrer des conflits et ainsi compromettre la réussite des opérations de changement.

On peut raisonnablement se demander comment ces deux affirmations sont compatibles.

Changer, comment ça marche ?

En fait, notre être tout entier tend vers la stabilité, biologiquement, affectivement… Nos réactions émotionnelles et physiques visent à rétablir ce que l’on appelle l’homéostasie (l’équilibre du corps).
Nos processus de changement sont des processus d’adaptation qui ont pour finalité de revenir à un point d’équilibre.
C’est un peu comme un bille dans un bol que l’on promènerait sur une montagne russes :
– si les montées/descentes sont faibles, la bille revient au fond du bol
– si les montées/descentes sont fortes, la bille peut sortir du bol et, peut être, atteindre un nouveau point d’équilibre.

Tout l’enjeu de la gestion du changement, en individuel ou en équipe, consiste à créer un cadre d’agitation qui permette le « saut » tout en apportant un cadre rassurant qui permette de garantir qu’il y aura bien un nouveau bol à la réception de la bille.

Permettre le changement, c’est fournir suffisamment de réassurance pour permettre aux gens de prendre conscience de la nécessité de changer, d’ouvrir leur esprit pour envisager de nouvelles solutions, de mobiliser leur énergie vers un nouvel état stable et de créer les conditions du passage à l’action.

Chaque fois que l’on veut changer de façon de faire ou de penser, il y a un deuil à faire (CF Elisabeth Kübler-Ross) avec des phases bien précises qu’il faut accompagner avec les moyens adéquats. Rater l’accompagnement de ces phases c’est compromettre les chances de succès de l’opération. Un trop grand stress engendre paralysie, retour en arrière, immobilisme et refus.

Le stress, une manifestation du fait qu’il est temps de changer de mode de penser

L’approche neuro-comportementale et cognitive nous apporte un éclairage nouveau sur ces phases.

D’après eux, le stress est la manifestation qu’un changement de mode de pensée est nécessaire, elle indique que nous essayons des solutions automatiques qui échouent dans le nouveau contexte de cette problématique. Diverses techniques sont utilisées pour faire « basculer » notre cerveau dans une attitude plus positive et plus ouverte et pour nous permettre de ne pas rester « butté » sur ces différentes phases. En faisant cela nous confions la résolution du problème à nos aires préfrontales (les plus récentes et plus douées).

Il est important de noter que les expériences émotionnelles sont propres à chacun et que là où certaines personnes restent bloquées, d’autres ne voient pas le problème et sont naturellement ouvertes, souples et adaptables. Ce processus, dit de « flow », est connu de bien des personnes et se traduit pas une facilité naturelle à gérer certains types de situations. On retrouve cela souvent chez les hyper créatifs, écrivains, artistes… Cependant, cette facilité naturelle ne s’exprime pas dans tous les domaines pour une même personne et nous sommes tous capables de rester bloqué dans des phases non abouti de nos « deuils » de changement cognitifs dans certaines situations.

Des conditions sont nécessaires à cette bascule, elles peuvent être issues d’un travail personnel mais aussi favorisées ou compliquées par une « ambiance » professionnelle. Dans le monde du travail, il faut bien sûr travailler sur les deux tableaux, favoriser l’apprentissage de ces techniques d’un point de vue individuel, mais aussi, travailler sur la mise en place collective d’une « préfrontale attitude » de travail et de management.

Plus nous cultivons cette « préfrontalité » et plus nous sommes souples, adaptables et créatifs et plus nous pouvons changer facilement.

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  1. David Chantone

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