On entend de plus en plus fleurir le concept d’entreprise libérée (EL) et une définition rapide pourrait être : « une entreprise basée sur la confiance » en interne comme en externe.
Le but d’une entreprise est de produire de la valeur ajoutée pour ses clients. Dans l’entreprise libérée, cette finalité n’est pas perdue de vue, la valeur ajoutée est bien produite pour les clients de manière à créer une relation de collaboration et de confiance externe. Cette valeur ajoutée doit pouvoir être produite de manière durable, avec tout le savoir-faire et les compétences nécessaires, ce sont bien les hommes qui la compose qui vont se charger de cela ce qui nécessite une confiance interne à l’entreprise ou tout acteur se sent libre et responsable de construire cette valeur.
Plus encore qu’un concept avec ses fiches pratiques et ses modalités d’application, l’entreprise libérée est une façon de penser, une culture d’entreprise et du management pour aller dans le sens de l’efficacité, de l’efficience et de la durabilité.
Ces trois concepts ne peuvent s’envisager de manière indépendante. Viser l’un de ces critères en particulier aura des impact sur les deux autres aspects. Les bénéfices et les pièges de cette démarche sont nombreux et je vous invite à regarder avec moi les raisons de son succès.
Pourquoi une entreprise libérée ?
Le constat est sévère, Isaac Getz dans son très bon livre « liberté & Cie » nous indique en se basant sur les sources Gallup que dans les entreprises Françaises en 2011-2012 :
- les personnes activement engagées dans leur entreprise représentent seulement 11%
- Les personnes non engagée représentent 61% du personnel
- Les personnes activement désengagée représentent 28%
Dans l’émission « le bonheur au travail » , qui est passée sur Arte, il nous est livré que 75% des consultations chez les médecins sont dues au stress au travail et engendre souffrance, démotivation et absentéisme.
Isaac Getz prend la métaphore du bateau, c’est comme si, sur un équipage de 10 personnes, un ramait dans le sens du courant, 6 faisaient des ronds dans l’eau et 3 ramaient à contre-courant, l’on peut alors effectivement se demander si le bateau a des chances d’avancer dans ces conditions.
Dans un monde moderne aux perpétuels changements, dans lequel la mondialisation vient changer la donne et redistribuer les cartes de plus en plus fréquemment, dans lequel, les défis à relever sont de plus en plus grands, écologie, enjeux sociaux, casses têtes démographiques… on peut raisonnablement se demander quel est le devenir de ce type d’entreprises classiques ou entreprises 1.0.
Les entreprises 1.0 souffrent d’inadaptation à environnement, cela se traduit par des difficultés économiques, des difficultés à faire faces aux changements, à s’adapter, à recruter et à conserver des salariés motivés dans leurs effectifs et on sait tous ce que Darwin pense du devenir des « espèces » qui ne peuvent s’adapter à leur environnement..
De nombreuses personnes se détournent de l’entreprise pour se tourner vers des activités d’indépendants ou de très petites structures pour fuir les désagréments engendrés par ses entreprises 1.0.
C’est là que l’entreprise libérée peut être un élément de réponse, elle propose de repenser complètement le monde de l’entreprise, ses modes de gouvernance, sa structuration et son ADN.
Une entreprise libérée de quoi ?
Mais alors qu’est-ce qui tue nos entreprises et fait souffrir les salariés ?
Isaac Getz, ou encore JF Zobrist PDG libérateurs de FAVI, Carlos Verkaeren pdg libérateur chez Poult sont unanimes, le commandement et le contrôle sont des maux absolus.
Qu’est-ce que cela veut dire, ils ne parlent pas du contrôle de la qualité d’une pièce/d’un produit fabriqué ou d’un service réalisé, mais du contrôle de l’Homme par l’Homme.
Quand Isaac Getz parle d’un management pour les 3%, il veut dire que le management est souvent là pour pallier les comportements nuisibles à l’entreprise d’une frange infime de sa population. En conséquence de quoi, le management s’engraisse tel le mammouth. Les procédures, les règles contraignantes, le reporting et autres actions non productives fleurissent, elles n’ont pour but que de contrer ses 3% en imposant aux 97% autres des process démotivant, infantilisant et déresponsabilisant. Ces processus privent les gens de leur bon sens, de leur capacité d’innovation de leur créativité les poussant à se désolidariser du but commun, au mieux, ou de se retrouver en lutte affichée au pire. Ces 3% étant tout sauf bêtes, les procédures mises en place seront contournées et plus de contrôles seront imposés, ce qui engendre un cercle vicieux dont le management du 21ième siècle en est le paroxysme.
Arrêter le contrôle et le commandement peut libérer parfois jusqu’à 60% de l’énergie dépensée en interne dans l’entreprise, alors qu’en plus, cette énergie perdue crée de la démotivation.
On entend souvent parler de cohésion d’équipe, d’intelligence collective, de co-création et de co-développement mais ces demandes resteront sans réponses si la structure même de l’entreprise ne les nourrit pas.
On peut toujours exiger d’un plante qu’elle pousse plus vite cela ne se fera pas, par contre si l’on est attentif à ses besoins, qu’on les nourrit, la plante se développera. L’entreprise libérée est en quelques sorte un terreau nutritif, un creuset dans lequel la réussite se développe.
Comment en est-on arrivé là ?
Une perte de confiance en l’Homme, un besoin impérieux de structurer une production de masse au début de l’ère industrielle, la nécessité à faire face à une population du début du 20ième faiblement éduquée. Les raisons sont nombreuses, mais un système quel qu’il soit n’a pas de raison d’être en lui-même. Un système adapte des moyens pour servir une finalité, quand les moyens évoluent, que les besoins changent, le système doit évoluer.
Il en est de même de notre façon de penser l’entreprise et des moyens que nous mettons en œuvre pour qu’elle réussisse dans ses missions. Et si nous passions à l’entreprise libérée ?
Une entreprise libérée pour qui ?
A qui profite l’entreprise libérée ?
à priori à tous,!
Quoi que….
Vous l’aurez compris les organes du commandement et du contrôle, n’y trouveront pas leurs comptes.
Du coup, est-ce que les managers ont des soucis à se faire ?
Pour le oui :
Le manager décideur, commandant des armées ou celui qui cherche la faute et use de son pouvoir pour engendrer des suppléments de travail pour justifier son salaire, devrait s’inquiéter, il n’est évidemment pas à sa place dans ce type de structure.
Pour le non :
Le manager facilitateur, le « servant leader » , le catalyseur d’intelligence collective, le fédérateur et le « manager coach » y ont au contraire toute leur place.
Leur valeur ajoutée n’est pas un poids pour l’entreprise libérée, ils sont là pour « graisser les rouages » , aider à régler des problèmes, faire émerger des pistes, des solutions.
Le manager devient la personne qui aide et facilite, cela se traduit par de bonne qualité de savoir être. Le manager doit être capable d’écouter les craintes et les peurs, d’encourager et de ‘rassurer… car oui, dans l’entreprise libérée, on la droit aux émotions !
Elles sont même un atout, les faiblesses des uns font la force des groupes, les erreurs ne sont plus à cacher car elles deviennent le moteur de l’apprentissage et du succès. Dans l’entreprise libérée le manager est plus un coach qui aide ses équipes à se dépasser et à se réaliser.
Concernant celui qui a les mains dans « cambouis » , c’est bien évidement le grand gagnant dans l’entreprise libérée, mais devrait-il en être autrement ?
Qui, mieux que celui qui fait, peut être au courant des difficultés qu il rencontre ?
Qui, mieux que celui qui fait, peut être à l’origine d’idées nouvelles, de solutions innovantes pour ses clients ?
Et le client de l’entreprise libérée dans tout ça ?
Quand on sait que dans le domaine de l’ingénierie, par exemple, 20% des projets n’aboutissent jamais et que 40% vont, au final, couter entre 2 et 4 fois plus cher que ce qui était initialement prévu. On peut réellement se demander en quoi il pourrait y avoir des effets négatifs pour le client d’avoir à faire avec des entreprises libérées où les employés sont motivés, impliqués et à l’écoute des ses besoins.
Une entreprise libérée, peut-être, mais comment ?
Ça a l’air idyllique tout cela, mais comment concrètement ça se met en œuvre une entreprise libérée?
C’est là que le bât blesse, certaines personnes sont allé auditer les entreprises françaises qui ont réussi leur transformation (Favi, Poult, ChronoFlex…) et ont calqué les recettes qui ont fonctionné chez les autres, avec pour beaucoup un succès mitigé, voir un échec cuisant.
La méthode n’est-elle pas répliquable ?
Faut-il être un clone des libérateurs existant pour réussir l’entreprise libérée ?
Bien sûr que non, mais plus que des recettes, il faut comprendre les fondements de l’entreprise libérée, ce que cela implique et le changement de culture que cela nécessite pour être sûr de ne pas compromettre sa libération.
L’entreprise libérée suivant deux axes
l’entreprise libérée du haut vers le bas
En premier lieu, le pouvoir étant quelque chose de structurellement descendant, il faut que la direction de la future entreprise libérée soit prête à l’abandonner, sous toutes ces formes.
Cela parait bête à dire, mais pourtant bon nombre d’échecs sont dus au fait que la direction à refuser de lâcher son pouvoir dans les faits.
En ce sens, nos leader libérateurs d’entreprises favoris, ont tous cette énorme qualité en commun :
Il ne souhaite pas contrôler, ils n’ont d’ailleurs pour la plupart jamais aimer cela et ont souvent eu des parcours de rebelle en entreprise (ça aide).
Ils croient tous en l’Homme et en sa capacité à se développer, grandir et aller de l’avant. L’autodétermination et la confiance sont, non seulement des valeurs qu’ils partagent, mais surtout, les fondements même de leur démarche.
Lâcher le contrôle signifie, ne pas demander de comptes, ne pas dire « comment faire » , ne pas se positionner dans une logique de surveillance :
- Cela signifie aussi être complétement transparent. : La phrase chère à Edgar Hoover : « l’information c’est le pouvoir » traduit bien comment une entreprise pourrait conserver le pouvoir juste en faisant de la rétention d’informations.
- Cela signifie aussi inclure tout le monde dans l’aventure. Un certain nombre d’entreprises candidates ont échoué en voulant exclure, de fait, des partenaires potentiels (syndicats, cadre intermédiaires, personnels administratifs…)
Oui mais alors comment empêcher que l’entreprise libérée ne devienne la zizanie, le chaos ?
Les entreprises libérées qui ont réussi la transformation, ont troqué « le comment faire » venant d’en haut par le « pourquoi » , le « dans quel but » en travaillant notamment sur la vision de leur entreprise . C’est une tout autre vision des choses , une vision pédagogique du management qui avait disparu à l’ère du conseil, des audits et du contrôle de gestion.
Pourquoi est-il important de fixer une direction ?
On peut se poser la question dans l’autre sens, le navigateur solitaire « se guide » aux étoiles, imaginons un instant qu’on décide de le priver de la vue, combien de bouées flottantes faudra-t-il construire pour « le guider » jusqu’à sa destination ?
Quelle énergie sera perdue à taper dans ses murs virtuels pour conserver le bon cap ?
Il est donc important de travailler à déterminer une vision inspirante pour fixer ce cap.
OK pour la direction, mais comment garantir la bonne marche du navire ?
Là encore le bon sens est de rigueur et des principes simples et fondateurs sont souvent mis en place dans ses entreprise, chez Gore, cela tient en une phrase :
« Comporter vous avec les autres comme vous voudriez qu’ils se comportent avec vous » et cela commence bien sûr par direction elle même, il ne faudrait pas tomber dans le paradoxe de faite ce que je dis et pas ce que je fais.
Voici comment en quelques mots Gore a remplacé des processus et règles lourdes et contraignantes par des valeurs toutes simples.
L’accès à l’autonomie des salariés est la première étape sur le chemin de la libération, quelle est la deuxième ?
L’entreprise libérée du bas vers le haut
Il ne serait pas juste de croire que « tout vient d’en haut » , c’est même tout l’inverse !
Si l’on calcule bien, il faudrait plutôt dire : « plus rien n’est retenu d’en haut »
Voici qui libère de l’énergie, a quoi va-t-elle être utilisée ?
Résumons-nous :
Une direction est donnée, les entraves supprimées, des valeurs partagées au travers d’un cadre commun.
Que reste-il ?
La confiance, elle est la brique de base qui permet l’autodétermination.
L’autodétermination, source de motivation, est le premier moteur de la croissance et le contrôle sur sa vie et pas sûr celle des autres, permet le développement de soi.
Le développement de soi permet l’accomplissement de soi qui engendre, motivation, responsabilisation et implication dans le résultat.
De simple exécutant on passe à acteur de l’entreprise libérée.
Je pourrai citer ici bon nombre de solutions ingénieuses trouvées par les salariés pour faire face aux difficultés qu’ils ont eu à traverser dans leurs entreprises libérées, que cela soit en France ou à l’étranger, dans de petites structures comme dans des multinationales. Cela serait pourtant contreproductif, car l’essence même de la démarche implique que les solutions mises en œuvre sont des réponses innovantes et uniques à des problématiques éminemment complexes et à des contextes très spécifiques.
Vouloir les répliquer c’est revenir au « comment » , c’est sortir de la confiance et couper l’initiative et la créativité, le chemin fait parti intégrante de la démarche.
Comme le disait Morpheus à Néo dans Matrix : « Il y a une différence entre connaitre le chemin et arpenter le chemin »
Faut-il se faire accompagner pour libérer son entreprise ?
Pour le non :
Si se faire accompagner veut dire, faire appel à un cabinet de conseil ou à des experts du domaine, je vous invite à relire les lignes précédentes ; bien sûr c’est non. Toute solution venant d’en haut est par essence vouée à l’échec.
Pour le oui :
Si vous voulez dire se faire accompagner au sens, coaching du terme, c’est à dire, dans un processus de développement de son autonomie et de sa responsabilité, ou encore se faire accompagner pour apprendre à apprendre à réussir ; je dis oui.
Les changements inhérents à ses transformations, méritent que l’on se pose et que l’on comprenne ce qui se joue en nous. En tant que dirigeant et futur leader libérateur, ne pas prendre le temps de l’introspection peut être risqué. Les managers de l’entreprise ont eux aussi besoin d’attention, le changement de posture qui leur est demandé est un saut vers l’inconnu qui redessine l’ensemble des contours de la fonction, et à ce titre, un support en coaching individuel ou collectif peut faire gagner beaucoup de temps et d’énergie.
Quelle différence entre le coaching et le conseil ?
Vieux débats, auquel il est facile de répondre, le conseil est un sachant, il prodigue ses conseils et indique « comment » il faut faire. Le conseil est une démarche du haut vers le bas, soit tout le contraire du principe même de l’entreprise libérée.
Le coach, lui, est un ignorant, il écoute et fait confiance dans la capacité de son client à trouver ses propres solutions, sans influence.
Il est comme un miroir, fidèle, sans intention :
- Il révèle les erreurs d’appréciations et de jugements
- Il apporte un éclairage sur les zones d’ombres
- Il amène de nouveau points de vues, de nouvelle perspectives à la lumière
- Il permet à l’Homme de se faire la plus fidèle image de lui, sans complaisance mais avec bienveillance
- Il permet de se rendre compte de ses contradictions, de ses peurs et doutes pour mieux les dépasser
Le processus de coaching est, à mon sens, le seul compatible avec un structure qui cherche à s’autodéterminer, car par essence, la libération des individus est son mode de fonctionnement, son but et la raison qui le motive.
Il peut être intéressant de faire appel à un coach professionnel pour lever ses freins individuels à lâcher le contrôle, trouver ou déterminer sa vision d’entreprise en tant que futur leader libérateur.
De se lancer dans un coaching collectif du comité de direction pour se mettre au clair avec le niveau de maturité de celui-ci vis à vis de l’aventure à construire dans la libération de son entreprise.
De se poser les bonnes questions sur les motivations réelles et les opportunités offertes en se lançant dans un coaching de son organisation.
De faire appel à un coach pour se faire accompagner en individuel ou en équipe sur des problématiques concrètes de mises en place du changement dans son équipe suite à un processus de libération dans son entreprise.
En fait toutes demandes, émanant de quelques parties que ce soient de l’entreprise, sont légitimes dans la mesure où, elles ne sont pas imposées d’en haut et correspondent à une phase de transition qui vise l’autonomie et le développement des gens.
Le coach n’est vu alors ni comme un instrument de libération, ni comme un moyen ou un alibi, mais plutôt comme un catalyseur de libération.
Vous souhaitez connaitre les limitations que pourraient comporter l’entreprise libérée. Je vous invite à lire :
L’EL est morte vive l’entreprise agile.
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